Ca y est, je suis célèbre ! (Depuis le Festival Etonnants Voyageurs de Saint Malo) - 1ère partie

Samedi 3 et dimanche 4 juin, j'étais invitée sur le Festival du film et du livre Etonnants Voyageurs à Saint-Malo, avec mon roman La saveur des bananes frites.




Quel bonheur ! J'adore Saint-Malo ! Tout d'abord, parce que ça m'évoque plein de souvenirs : les remparts, Intra Muros, les grands voiliers, les crêpes au citron, une vertèbre déplacée, une douche cinglante sur une digue un jour de forte tempête... bref, de chouettes moments !
Et puis, le festival est bourré d'auteurs connus : si vous avez lu mes précédentes aventures lors du Printemps du livre de Montaigu (voir mes posts ici), vous savez maintenant mon addiction aux célébrités.

Je me prépare donc à faire ce voyage avec bonne humeur, décidant d'y emmener homme et enfants.

Mais était-ce vraiment une bonne idée ?

Ca n'a pas très bien commencé : Partis avec une heure et demi de retard sur notre prévision, j'ai la tête farcie de listes à ne pas oublier, et supervise les doudous, les duvets, les DS, les tablettes, les médocs, les rechanges, les brosses à dents, les sandwiches, le PQ, les câbles de recharge, les serviettes, les... enfin, le strict maximum pour deux jours en famille.
Le problème, c'est qu'à force de penser aux autres, on s'en oublie soi-même, et nous voilà partis - moi avec une humeur de chien - en oubliant mon petit ordi où j'écris mes chroniques, le cadeau pour mes cousins qui nous logent, mes marques-pages et mes cartes de visite.

Trois heures et demi de trajet, quatre arrêts pipi et cinq engueulades plus loin, nous arrivons à Saint-Malo.
Mon mari me laisse devant le quai Saint Malo à midi. Seule dans la foule.
Je dois d'abord aller chercher mon accréditation : pas d'indications, je tourne, je vire, un charmant monsieur me renseigne, me donne même un raccourci pour accéder aux hôtesses-accréditrices, quand soudain je me retrouve face à la mer.
La mer. Tout le monde la connaît, la côtoie, la voit au moins une fois par an. S'y baigne. Y fait du bateau. Mais là, allez comprendre, j'ai eu un coup au cœur. Elle était si belle, infinie sur fond de ciel bleu-gris, quelques rouleaux d'écume la déchirant de loin en loin. Je n'ai pas eu le courage de l'ignorer.

Quand enfin j'ai été rassasiée (si c'est possible de l'être), j'ai foncé chercher mon sésame.
- Bonjour, je suis auteur, je viens chercher mon accréditation.

- Vous êtes ?
- Sophie Noël. Noël, comme le père Noël. (je dis toujours ça, ça évite les erreurs d'orthographe et ça fait une entrée en matière qui fait sourire. Le père Noël, c'est toujours joyeux, non ?)
Elle sourit. Fouille dans les accréditations, puis dans son listing. Puis arrête de sourire.

- Ah ! Je n'ai pas ce nom dans ma liste.
Un mouvement de panique m'étreint. Ai-je bien compris les indications qu'on m'avait données au départ ? Ne me suis-je pas trompée de salon (Le Festival Etonnants Voyageurs, mazette, pour un petit auteur débutant comme moi... Je le savais, ça cachait quelque chose !)
- Mais, reprend-elle alors que sa collègue vient de dire à un autre auteur qu'il n'y était pas non plus, il y a plein d'oublis et on va vous faire votre accréditation à la main !
Aaaahhh ! Je me sens mieux, et en quelques secondes, me voilà affublée d'un joli badge, mon nom écrit à la main, que j'accroche avec une cordelette verte autour de mon cou.







Puis je traverse la foule, en bombant la poitrine : Oui, moi, Sophie-Noël-comme-le-père-noël, j'ai une ACCREDITATION "AUTEUR" DU FESTIVAL ETONNANTS VOYAGEURS.
C'est pas souvent que je me la pète, mais des fois, ça me prend,  pendant quelques secondes... Avant de m'apercevoir que personne ne me regarde.


Je débombe mon torse, et rejoins un autre bâtiment, où se trouve le salon du livre à proprement parler. Je suis sur le stand numéro 7 (j'aime bien le numéro 7... Il a quelques valeurs symboliques qui me le rendent sympathique, en bonne superstitieuse que je suis).

Et en effet, comme porte-bonheur, ça s'annonce bien : le stand de la librairie avec qui travaille mon éditrice a fait une belle place à deux autres auteurs, mais... pas à moi (seraient-ce les trois heures de retard?...).
Je retiens mes sanglots.
J'avise un jeune homme derrière les tables et m'en vais lui demander ce qu'il en est.
- Ah ! Sophie comment ? Noël-comme-le-père-Noël ? Je ne sais pas, moi je suis stagiaire... Tout le monde est parti déjeuner, je n'en sais pas plus... pouvez-vous revenir dans deux heures ?
Et voilà. Ca m'apprendra à être ponctuelle. Heureusement que mon mari n'est pas là, sinon je le traiterais de tous les noms d'oiseaux : parce que bon, c'est de sa faute, tout ça. Non ?


Après deux heures passées à traîner dans les stands et manger une étrange salade agrémentée d'une mousse encore plus étrange (vendue comme une chantilly de fromage), je retourne à mon stand où les libraires ont préparé mon coin.
Je n'ai qu'un livre à dédicacer, La saveur des bananes frites (les autres n'étant pas du même éditeur).

Je m'installe.
Ma voisine arrive.
Enfer et damnation !

Evelyne Brisou-Pellen !
Quand je vous disais que j'étais poursuivie par la malédiction-de-la-célébrité !


Evelyne Brisou-Pellen

Imaginez nos places, qui se mettaient mutuellement en valeur : Evelyne avec une vingtaine de ses romans, dont Le Manoir qui est sa dernière publication (6 tomes pour la saison 1 et 2 tomes pour la saison 2...) et qui fait un carton auprès des ados.
Et moi avec... un titre.
Inconnu.
Ouais...

J'en suis là de mes sombres pensées, malgré le fait que nous sympathisons tout de suite, Evelyne et moi, quand arrive la libraire qui vient me saluer, m'annoncer qu'elle a lu mon roman et qu'elle l'a adoré ! Elle l'a même proposé à un Prix Jeunesse !
Je reprends du poil de la bête.
... Mais finalement, ils ne l'ont pas retenu, parce qu'il devait s'adresser à d
es enfants de CM1 et que mon roman est plutôt à destination des CM2/4ème. C'est vraiment pas de bol !
Cela dit, cela me revigore quand même : La saveur des bananes frites a eu beaucoup de coups de cœur de libraires (dont la FNAC), et cela se confirme.
Je n'ai qu'un roman sur mon stand, mais QUEL roman !
(on se console comme on peut, hein ?).





Le samedi, pas beaucoup d'enfants, pas trop de monde non plus. Même si c'est relatif : j'ai déjà vu des salons où il n'y avait pas un chat (dont un où j'avais dédicacé... zéro livre !).
J'en profite pour faire le tour des stands jeunesse et découvrir toutes les pointures qui sont en dédicace.
Tiens, Timothée de Fombelle ! Assis pour ces dédicaces sur le stand Gallimard. Je lui achète un livre pour mon neveu, Céleste ma planète, tente un sourire, peut-être pour discuter un peu avec lui... Mais visiblement, il ne semble pas disposé à parler. Hautain ou timide ? Je repars avec mon bouquin, un peu désappointée. J'ai adoré Tobie Lolness et Vango : il ne le saura jamais (mais bon, il s'en fiche, hihi !).

Et puis soudain, en fin d'après-midi, c'est le défilé : Tahar Ben Jelloun, Patrick Chamoiseau, Yann Queffelec, Hubert Haddad, Dany Laferrière, Makenzy Orcell, Eric Orsenna, Sophie Noël (ah non... pardon...), Luis Sepulveda, ...

Arrgggh ! Là, c'est trop ! Parce que trop de célébrités tue la célébrité ! Non ?


Je re-plonge le nez dans mon roman-qui-a-failli-avoir-un-prix et me concentre sur mes lecteurs, principalement des parents, des grands-parents, des bibliothécaires, des profs de français...
Mais où sont passés les enfants ? Se demande-t-on avec ma voisine Evelyne ?

Peut-être demain ?
Je croise les doigts, alors, priant Saint-Malo qu'il y ait plutôt un défilé de jeunes lecteurs qu'un défilé d'auteurs connus.
Parce que moi, c'est quand même plutôt le premier groupe, qui m'intéresse...


(à suivre)