Le printemps du livre de Montaigu, 2ème partie

Nous voilà arrivés à Nantes. 
Malgré les deux heures de repos dans le train, je suis tout de même un peu flagada (je vous rappelle que je n'ai dormi que quatre heures...). Les organisateurs nous regroupent, avec un petit panneau "Printemps du livre Montaigu" et invitent la centaine d'auteurs que nous sommes à les suivre dans les dédales de couloirs de la gare de Nantes. Bien évidemment, le temps que je me penche pour prendre ma valise (et tirer comme une dingue sur la poignée télescopique qu'une de mes filles a bloquée), ils sont tous déjà en marche et se sont fondus dans la foule; comme je ne connais personne à part Bernard Werber (et encore, pas si bien que ça), je me mets à trottiner, essayant de repérer le panneau, une tête, une fourmi, un n'importe quoi. 
En désespoir de cause, je suis la foule: j'arriverai bien quelque part.




Nous débouchons dehors, et il me semble repérer Bernard (on est familier, après deux heures de train dans la même voiture, je peux l'appeler par son petit nom). Mon sac à main me scie l'épaule, je ne suis pas parvenue à télescoper entièrement la poignée de la valise et marche donc légèrement pliée, ce qui n'arrange pas mon nerf sciatique, mais nous débarquons devant deux grands cars où est écrit "Printemps du livre de Montaigu" ! Soulagement, je n'ai pas suivi le groupe de l'amicale des boulistes nantais.






Il y a quasiment une heure de car de Nantes à Montaigu (la digue, la digue... Ouais, je sais, c'est facile). Je suis malade en car. Je dois absolument regarder la route. Mais le soleil tape déjà bien fort et je tire le rideau plissé pour m'en protéger. C'est con, ces petits rideaux de bus : les plis sont tellement rigides que ça ne se déplie pas bien, et que ça vous râpe le visage à chaque cahot. J'ai mal au coeur. Tant pis pour le soleil, il faut que je regarde la route (et que j'évite d'arriver râpée sur le salon)(je serai juste rouge pivoine)(tout choix est un renoncement).

L'interminable voyage-vomito s'arrête enfin, et l'on se déverse au-dehors (avec soulagement pour ma part), face au théâtre de Thalie, à côté duquel un grand chapiteau nous attend.



Après quelques formalités, une jeune hôtesse adorable m'emmène poser ma valise, aux toilettes (enfin, à la porte des...), puis jusqu'à mon emplacement. Des îlots de différentes couleurs permettent de s'y retrouver (pour quelqu'un qui a un sens normal de l'orientation, contrairement à moi). 
Je suis sur l'îlot rouge, avec la librairie 85000, et je découvre mon m², coincée entre un poteau et une autre auteure que je ne connais pas.
Enfin... Pas encore...




Je m'installe, dis bonjour à tout le monde, remarque que sous ma table, y'a des cartons de livres, que je ne peux pas étendre mes jambes (et encore moins étirer mon nerf sciatique), mais ma voisine, adorable, m'aide à organiser notre espace et nous finissons par être si ce n'est confortable du moins à l'aise.

Une petite chose, cependant, ne manque pas de m'interpeller : beaucoup de visiteurs sont déjà présents, et il y en a régulièrement qui se regroupent devant notre stand en nous jetant des regards entendus, en parlant à voix basse, en nous prenant discrètement en photo : ma notoriété aurait-elle brusquement grimpé en flèche (et mon éditeur vendu 250 000 Pulpeuse fiction à mon insu ?)?




Une charmante petite grand-mère s'approche de moi en souriant d'un air complice et me demande :
- C'est bien Anne Richard, là, à côté de vous ?
C'est bien le nom que j'ai lu sur le badge de ma voisine.
- Oui, oui, c'est elle !
- Ah ! Je l'adore ! Avec mon mari, on n'en manque pas une...
Pas une quoi ?
Bon. J'ai beau ne pas être très fraîche, encore un peu vaseuse, et débouler de ma campagne où l'on supprime les trains de 6h02, je commence à comprendre que je suis à côté d'une célébrité. Manque de bol, en ce qui me concerne, son nom ne me dit rien. 


L'air de rien, je regarde attentivement ses livres (des livres-disques où elle conte des histoires), je tends l'oreille pour savoir ce que disent ses fans (de plus en plus nombreux), la scrute attentivement (mais comme elle est à côté de moi, je ne vois que son profil), et non, non, vraiment, je ne la connais pas.
C'est limite embêtant.
D'autant que les gens devant nous me prennent à partie, (- ha ! ha ! ha ! Elle est extraordinaire, vous ne trouvez pas ? - Oui, oui, fort probablement...), doivent penser que nous sommes copines comme cochon (- vous croyez que je peux la prendre en photo ? - Je vous en prie, faites !), voire même que je suis un peu connue moi aussi (- Noël, Noël, c'est un nom qui me dit quelque chose, ça ?)


C'est dans ces cas-là qu'internet et votre téléphone portable vous sauvent la vie. Discrètement, je tape "Anne Richard" dans Google, et là, je découvre que j'ai à mes côtés l'héroïne de la série télévisée française Boulevard du Palais, diffusé sur France 2 depuis 1999.




17 saisons et 55 épisodes, et j'ai jamais vu le truc ! Incroyable !
A la vitesse de l'éclair, je me lis tout Wikipédia sur le sujet, pour ne pas avoir l'air d'une cloche, puis repose mon portable, l'air de rien, souriant aux photographes qui mitraillent.

Stratégiquement, ce n'est pas forcément une bonne chose que d'être à côté de quelqu'un de connu. Car pour se frayer un accès jusqu'à moi (et accessoirement mes livres), mes (nombreux) lecteurs vont devoir se battre avec les aficionados de Boulevard du palais.


Mais bon, c'est cool : 10h30 du matin, il fait beau, la température grimpe sous le chapiteau, j'ai les jambes étendues sous la table, on m'apporte un petit café, Anne Richard se révèle être particulièrement adorable, et puis quoi, ce soir, je me coucherai moins bête : je sais maintenant qui est Nadia Lintz, juge d'instruction au Palais de Justice de Paris sur France 2 !

(à suivre)